Dans son World Energy Outlook 2025, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) détaille les transformations nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Au cœur de ce scénario, l’électricité devient la clé de voûte d’un système énergétique profondément remanié, particulièrement en Afrique où les enjeux d’accès et de fiabilité restent cruciaux.
Légende : Transition énergétique
Face à l’urgence climatique, la transition énergétique impose une refonte majeure des modèles actuels. L’AIE, dans son rapport World Energy Outlook 2025 publié le 12 novembre, présente ses trajectoires possibles pour un système énergétique mondial aligné sur l’objectif « Net Zero Emissions » (NZE), c’est-à-dire zéro émission nette en 2050. Dans cette vision, l’électricité s’impose comme le pilier de la décarbonation, appuyée sur quatre leviers essentiels : la décarbonation de la production, l’électrification des usages finaux, l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement de solutions bas carbone comme l’hydrogène ou le captage du carbone. Ces leviers représenteraient, selon l’AIE, près des deux tiers des réductions d’émissions d’ici 2035.
Décarboner la production, première priorité
Aujourd’hui, les sources bas carbone ne produisent qu’un peu plus de 40 % de l’électricité mondiale. Dans le scénario NZE, la capacité renouvelable devrait toutefois tripler entre 2022 et 2030, pour atteindre 75 % du mix électrique en 2035. Cette progression suppose un bond inédit en matière de flexibilité : la capacité mondiale de batteries serait multipliée par 17 pour atteindre près de 2 900 GW, soit plus de 8 400 GWh de stockage.
La transition impose aussi un renforcement massif des réseaux. L’AIE estime qu’environ 30 millions de kilomètres de lignes de transport et de distribution devront être ajoutés. Le nucléaire, l’hydroélectricité ou les centrales équipées de dispositifs de captage, ainsi que les unités fonctionnant à l’hydrogène ou à l’ammoniac, compléteront ce système dominé par des énergies renouvelables variables.
Une électrification massive des usages
Industrie, transports et BTP concentrent aujourd’hui plus de la moitié des émissions énergétiques mondiales. Dans le scénario NZE, la part de l’électricité dans la consommation finale grimperait de 20 % aujourd’hui à un tiers en 2035, puis 55 % en 2050. Les véhicules électriques figurent parmi les moteurs de cette transition, avec un potentiel de réduction de 2,4 gigatonnes de CO₂ d’ici 2035. Dans le bâtiment, les pompes à chaleur deviendraient la norme, passant de 12 % d’usage aujourd’hui à 45 % en 2050. Quant à l’industrie légère, elle verrait sa consommation électrique progresser de 40 % à plus de 50 % d’ici 2035.
Pour les secteurs difficiles à électrifier — sidérurgie, aviation, chimie lourde — la bioénergie, l’hydrogène, les carburants de synthèse et le captage du carbone joueront un rôle complémentaire.
L’Afrique à la croisée des chemins
En 2023, le mix électrique africain restait dominé par les combustibles fossiles : 42 % de gaz, 25 % de charbon et près de 8 % de pétrole. L’hydroélectricité représentait 18,4 %, tandis que l’éolien et le solaire ne totalisaient qu’environ 5 %. Cette configuration est largement façonnée par les grands producteurs du continent — Afrique du Sud, Égypte, Algérie, Maroc, Nigeria — dont les systèmes sont majoritairement alimentés par le charbon ou le gaz, à l’inverse de pays comme l’Éthiopie ou la RDC, davantage tournés vers le renouvelable.
Pourtant, l’Afrique est l’une des régions les plus vulnérables aux impacts du dérèglement climatique, alors qu’elle dispose d’un potentiel exceptionnel en solaire, éolien, hydroélectrique et géothermique. Accélérer la pénétration des énergies renouvelables et élargir l’usage de l’électricité ne permettrait pas seulement de réduire les émissions : cela améliorerait également l’accès à une énergie fiable et abordable, un défi encore loin d’être relevé.
Une opportunité stratégique pour le continent
Le scénario NZE de l’AIE montre que la neutralité carbone repose avant tout sur une électricité bas carbone, flexible et accessible dans tous les secteurs. Pour l’Afrique, cette transition représente autant un défi structurel qu’une opportunité historique de bâtir un système électrique plus robuste, plus inclusif et mieux adapté aux besoins de développement tout en répondant à l’urgence climatique.