REFUGE FORESTIER D’EWE-ADAPKLAME : Les communautés locales fortement engagées dans la préservation des ressources naturelles

Un nouvel élan d’espoir souffle sur le micro-refuge forestier d’Ewe-Adapklame, situé au Sud-Est du Bénin. Cette forêt communautaire, d’une richesse écologique exceptionnelle, abrite à elle seule près de 17 % des ressources végétales patrimoniales du pays. Véritable relique naturelle, elle symbolise aujourd’hui à la fois la fragilité et la résilience de la biodiversité béninoise, mais surtout, elle témoigne de l’engagement croissant des communautés locales dans la préservation de leur patrimoine écologique.

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Partagé entre les villages d’Ewe et d’Adapklame, ce refuge forestier constitue une trace vivante de l’histoire naturelle du Bénin. D’après le spécialiste en gestion et valorisation de la biodiversité tropicale, Alfred Houngnon, il s’agit d’une forêt millénaire formant une interruption dans la continuité forestière ouest-africaine, connue sous le nom de « Dahomey Gap », une bande écologique d’environ 200 kilomètres de long. De nombreuses études scientifiques, notamment celles du professeur Adomou en 2005, ont révélé que cette forêt abrite des centaines d’espèces végétales rares, dont plusieurs figurent sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Elle représente ainsi un sanctuaire irremplaçable pour la flore béninoise.

L’histoire de cette forêt est intimement liée à celle des peuples qui l’entourent. Jadis, la vallée située au sud du refuge servait de lieu d’installation pour des communautés cherchant refuge face aux guerres tribales et aux menaces extérieures. Ces installations humaines ont, au fil du temps, modifié l’écosystème et provoqué l’assèchement du cours d’eau principal, qui transportait autrefois les eaux pluviales depuis Ewe-Adapklame jusqu’à la dépression de la Lama, traversant le fleuve Ouémé pour se jeter dans l’Atlantique à Badagry. Selon les experts, ces populations avaient mis au point des techniques endogènes d’assèchement et de restauration hydrique, des savoirs aujourd’hui presque perdus en raison de la rupture de la transmission culturelle.

Malgré l’absence d’un statut officiel de protection, le refuge forestier d’Ewe-Adapklame reste une zone d’intérêt écologique majeur. Comme le souligne Alfred Houngnon, la biodiversité béninoise ne se concentre pas uniquement dans les parcs nationaux ou aires protégées créées sur le modèle occidental. Au contraire, la majeure partie des espèces végétales rares se trouve dans des forêts relictuelles non classées, telles qu’Ewe-Adapklame, où les communautés locales jouent un rôle essentiel de gardiennes de la nature. Ces forêts, bien que modestes en superficie, abritent une diversité biologique qui échappe souvent aux radars des politiques publiques.

Face aux menaces croissantes de déforestation, de pression foncière et de changement climatique, des initiatives locales émergent pour restaurer et étendre le refuge. En 2023, une nouvelle dynamique s’est enclenchée grâce à l’implication de jeunes écologistes et enseignants de Kétou. Ensemble, ils ont entrepris des actions de reboisement et de reproduction d’espèces végétales rares, en collaboration avec des institutions de recherche telles que le Groupe de Biotechnologie et de Sécurité des Systèmes Biologiques (GBioS) de l’Université d’Abomey-Calavi et l’ONG SOS Biodiversity. Ces partenariats scientifiques ont permis de régénérer certaines espèces en voie de disparition et de renforcer la résilience écologique du site.

Les communautés riveraines ne sont pas en reste. Conscientes de l’importance vitale de ce patrimoine naturel, elles ont instauré des mesures locales de protection. Un forage a notamment été réalisé pour l’entretien des espaces reverdis, tandis que des règles communautaires limitent les prélèvements abusifs et encouragent les pratiques agricoles durables autour du site. Ce modèle participatif de conservation montre que la protection de l’environnement ne peut réussir que si les populations locales y trouvent leur place et leur intérêt.

Le refuge forestier d’Ewe-Adapklame illustre ainsi la complémentarité entre savoirs traditionnels, engagement communautaire et appui scientifique. Dans un contexte où les écosystèmes africains subissent de fortes pressions, cette expérience béninoise prouve qu’il est encore possible de concilier développement et conservation. Préserver ces forêts, c’est aussi préserver une mémoire vivante, un patrimoine génétique essentiel pour l’avenir de la biodiversité du pays. À travers leurs efforts quotidiens, les habitants d’Ewe et d’Adapklame rappellent au monde que la nature peut renaître, pour peu qu’on lui accorde écoute, respect et temps.

 

 


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