Le changement climatique représente un défi mondial, notamment pour les populations rurales dont la survie dépend en grande partie de l’agriculture. Dans un contexte où la hausse des températures menace les récoltes et bouleverse les écosystèmes agricoles, l’adaptation rapide devient impérative. Cependant, une approche uniforme ne suffira pas. L’agriculture, essentielle pour plus d’un milliard de personnes vivant dans des zones rurales, doit s'adapter de manière contextuelle et intégrer des solutions spécifiques aux besoins locaux.

Au cœur de cette adaptation, les énergies renouvelables jouent un rôle de plus en plus déterminant. Des technologies telles que les pompes d’irrigation solaires ou les réfrigérateurs alimentés par énergie solaire représentent une opportunité pour répondre simultanément à plusieurs Objectifs de Développement Durable (ODD), comme l’énergie propre et abordable (ODD 7) et l’action climatique (ODD 13). Ces innovations peuvent effectivement améliorer les conditions de vie des agriculteurs, tout en contribuant à la durabilité de leurs pratiques agricoles. Toutefois, leur mise en œuvre reste insuffisante en raison de l’énorme déficit énergétique qui touche de nombreuses zones rurales.

Une étude menée par l’Institut International pour l’Environnement et le Développement (IIED) révèle que malgré l’énorme potentiel des énergies renouvelables dans l’agriculture, le financement de ces initiatives reste marginal. En 2022, seulement 3% des financements mondiaux pour l’adaptation au changement climatique étaient alloués à l’énergie. Cette situation appelle à une réorientation des investissements et à une coordination accrue entre les secteurs de l’énergie, de l’agriculture et de l’adaptation climatique.

Pour répondre à cet enjeu, l’Agence Internationale pour les Énergies Renouvelables (IRENA) et l’IIED ont conçu un cadre pratique visant à guider les parties prenantes dans l’intégration des énergies renouvelables dans l’agriculture, dans le cadre de leur initiative Empowering Lives and Livelihoods. Ce cadre repose sur l’idée qu’une approche centrée sur la communauté, adaptée à chaque contexte local, est essentielle pour maximiser l’impact des investissements dans l’agriculture et l’énergie. Il met en avant l’importance de travailler en étroite collaboration avec les communautés rurales pour concevoir des solutions qui répondent réellement à leurs besoins, tout en respectant les réalités sociales et économiques locales.

Six étapes pour une adaptation durable

Le cadre IRENA-IIED se structure autour de six étapes pratiques qui, ensemble, visent à renforcer la résilience climatique des communautés rurales. La première étape consiste à comprendre la dynamique socioéconomique locale et les impacts du changement climatique sur les populations. Cela implique une analyse approfondie des risques et des besoins des communautés. La deuxième étape consiste à co-créer des « offres groupées » adaptées, combinant technologies énergétiques, financement et formations.

Une fois ces solutions élaborées, la troisième étape consiste à les déployer et à recueillir des retours afin de les ajuster selon les besoins. L’objectif de la quatrième étape est de documenter les pratiques et résultats afin de constituer une base de données probantes sur ce qui fonctionne, pour qui, et dans quelles circonstances. L’évaluation des résultats se fait à travers un cadre d’analyse des capacités d’adaptation, d’absorption et d’anticipation, afin de garantir la pertinence et l’efficacité des stratégies mises en place.

Enfin, la dernière étape vise à partager un récit global sur la résilience, en mettant l’accent sur l’importance de la flexibilité, de la coordination et de l’apprentissage continu. La gestion adaptative, qui intègre l’évaluation des changements tout au long du processus, est cruciale pour ajuster les stratégies face à des risques climatiques en évolution constante.

Une approche inclusive pour garantir l'efficacité

Le cadre ne se limite pas à la seule technologie. Il reconnaît que l’adoption de ces technologies doit se faire en fonction des contextes sociaux, économiques et culturels spécifiques. Les interventions doivent être conçues de manière inclusive, en tenant compte des différences liées au sexe, à l’âge ou aux groupes sociaux, afin d’assurer que tous les membres de la communauté bénéficient des solutions mises en place.

Il est également crucial de veiller à une gestion des ressources adaptées, en maximisant les synergies entre les acteurs locaux, les gouvernements et les entreprises, et en garantissant la pérennité des solutions proposées. Ce processus de co-conception avec les communautés permet de renforcer l'appropriation des solutions et d'optimiser leur efficacité.

Vers une validation sur le terrain

Le cadre proposé par l’IRENA et l’IIED sera prochainement testé et validé à travers des interventions sur le terrain, dans le cadre de projets d’adaptation et d’investissements énergétiques déjà en cours ou à venir. Ces tests sur le terrain permettront de valider la pertinence des stratégies et d’ajuster les solutions en fonction des réalités locales. Ces expériences serviront à affiner les pratiques et à garantir une meilleure résilience des communautés agricoles face au changement climatique.

Dans ce contexte, le cadre IRENA-IIED constitue une avancée significative pour la transition énergétique dans les zones rurales. Il s’agit d’une invitation à repenser l’adaptation au changement climatique en intégrant pleinement les énergies renouvelables, tout en mettant l’accent sur les besoins des communautés, leur empowerment et leur autonomie.

La présentation de ce cadre lors de la 6e Conférence Internationale sur les Énergies Renouvelables Hors Réseau, qui se tiendra prochainement au Botswana, marquera une étape importante dans le processus de validation et de mise en œuvre. À terme, ce travail contribuera à améliorer les perspectives d’avenir des communautés rurales et à renforcer leur capacité à faire face aux défis climatiques, tout en atteignant les ODD pour un monde plus juste et plus durable.