Les ambitions européennes en matière d'hydrogène vert se heurtent à des réalités économiques et logistiques de plus en plus difficiles à surmonter. À l’approche de 2030, la mise en œuvre des objectifs européens semble de plus en plus irréaliste, selon le baromètre EY publié en amont du Salon Hyvolution, qui se tiendra à Paris du 28 au 30 janvier. Les résultats révèlent un retard inquiétant dans les investissements et un manque de cohérence dans les stratégies nationales
Au fur et à mesure que la date limite de 2030 se rapproche, les objectifs ambitieux de l'Union européenne en matière d'hydrogène bas carbone paraissent de plus en plus inaccessibles. D’après l’étude EY, seulement 60 % des cibles fixées par l'UE pour 2030 sont actuellement couverts par les stratégies des États membres. En d’autres termes, la plupart des pays européens sont encore loin de tenir leurs engagements, malgré des déclarations ambitieuses.
A en croire les informations mise en lumière sur LesEchos l’Espagne se positionne comme le pays le plus avancé dans la course à l'hydrogène vert, avec un objectif de production de 1,2 million de tonnes d’hydrogène d’ici 2030, suivie par l’Allemagne avec 1,09 million de tonnes. En revanche, la France et le Portugal ne visent que 0,6 million de tonnes chacun, des chiffres qui demeurent bien en deçà des ambitions globales.
Pour atteindre les objectifs fixés par le plan RePowerEU, qui ambitionne une production de 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030, il serait nécessaire d’installer 100 GW de capacités d’électrolyse chaque année, soit une croissance de 150 %. Pourtant, depuis 2020, la croissance réelle n’a été que de 45 % par an. Si certains projets annoncés semblent pouvoir répondre à ces besoins avec 142 GW de capacités prévues la majorité se trouve encore à un stade préliminaire. À ce jour, seulement 2 % des projets ont reçu une décision finale d’investissement.
Parmi les projets notables figure Normand'Hy, un projet porté par Air Liquide, qui prévoit l'installation d’un électrolyseur de 200 MW sur la zone de Port-Jérôme en Normandie, un projet ambitieux qui pourrait devenir le plus grand électrolyseur en Europe lors de sa mise en service en 2026.
En dépit de la multiplication des projets, les obstacles économiques se multiplient. En 2023, de nombreux projets ont été reportés, principalement en raison de l’augmentation des coûts, notamment à cause de l’inflation qui a fait grimper de 2 euros le prix de production par kilogramme d’hydrogène. De plus, les infrastructures nécessaires à la distribution de cet hydrogène se développent trop lentement. Par exemple, le pipeline entre l'Allemagne et le Danemark, initialement prévu pour 2028, a été repoussé à 2031.
Pour que l’Europe puisse atteindre ses objectifs, des projets d’envergure, dépassant 1 GW d’électrolyse, devront voir le jour. Ces projets pourraient représenter jusqu’à 65 % de la capacité de production européenne d’hydrogène d’ici 2030. Cependant, aucun de ces projets n’a encore franchi le cap de la phase avancée, la plupart étant toujours en phase de conception ou d’étude de faisabilité, principalement en Espagne, au Danemark et en Allemagne. Le financement reste un frein majeur, les investisseurs étant particulièrement prudents face aux incertitudes actuelles.
Pour relancer la filière hydrogène vert en Europe, EY suggère plusieurs solutions. Une simplification des aides publiques et la création d’un centre de ressources accessible pour identifier les subventions disponibles seraient des mesures clés. Malgré les soutiens européens existants, leur complexité empêche une large adoption, et plusieurs entreprises ont réduit leurs ambitions en raison des retards dans l’octroi des subventions. Les projets d’intérêt européen commun (IPCEI), qui permettent aux États membres de fournir des aides exceptionnelles, connaissent souvent des délais de deux ans entre la demande et l’approbation finale.
Le cabinet conseille également la mise en place de mécanismes de soutien spécifiques à la production d'hydrogène vert, comme des contrats pour différence, afin de compenser le surcoût de la production. De telles mesures contribueraient à apporter plus de stabilité et de visibilité au marché. Enfin, un soutien accru pour les fabricants d’électrolyseurs et la sécurisation de l’accès à des métaux rares, comme le platine, sont également des priorités pour assurer la croissance de la filière.
La réalisation des objectifs européens en matière d’hydrogène vert d'ici 2030 semble de plus en plus compromise face aux obstacles économiques et logistiques actuels. Il est impératif d’accélérer les investissements et de faciliter l’accès au financement pour les projets d'envergure. Si l’Europe veut espérer atteindre ses ambitions climatiques et énergétiques, une véritable volonté politique et un soutien public renforcé seront indispensables.