PRODUCTION DU BIOCARBURANT A BASE DE JACINTHE D’EAU

Joséa Dossou-Bodjrènou, Président de l’ONG Nature Tropicale et promoteur de cette technologie au Bénin, nous en parle

La gestion efficiente de la jacinthe d’eau sur les plans d’eau du Bénin demeure un défi à relever. Ainsi, dans le but de trouver d’autres sources d’énergie vertes qui contribuent à résoudre les problèmes liés au changement climatique, des Experts comme Joséa Dossou-Bodjrènou, Président de l’ONG Nature Tropicale, ont pensé à la production du biocarburant à base de jacinthe d’eau. Dans cet entretien, il évoque les avantages de ce produit novateur déjà connu et disponible dans certains pays africains.

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Environements
Source : Josea Dossou-Bodjrènou

Présentez s’il vous plait !

Je m’appelle Joséa Dossou-Bodjrènou, je suis le Président de l'ONG Nature Tropicale qui est une organisation non gouvernementale béninoise active sur le terrain depuis 1995. A travers elle, nous œuvrons pour la conservation de la biodiversité et par ricochet la protection de l’environnement.

-       S’inscrivant dans cette dynamique de protection de l’environnement, vous faites également la promotion de la production du biocarburant à base de jacinthe d’eau. D’où est partie cette belle initiative ?

C’est une belle initiative que nous avons découverte au Brésil et qui est aussi expérimentée au Nigeria. Et nous aussi, nous sommes dans la dynamique de mettre un dispositif de production en place ici au Bénin parce que nous avons la possibilité de nouer un partenariat avec le Nigéria.

-       Qu’entend concrètement par biocarburant ?

D'abord tout le monde connait ce qu'on appelle carburant, c'est ce qui permet de tourner des moteurs. Alors c'est une forme d'énergie ; et le "Bio" qui y est ajouté veut simplement signifier que le type de carburant dont il s’agit ici est "fait à partir des plantes" ; de ce qui est "naturel". Le "Sodabi" de chez nous par exemple, provient, la plupart du temps, du vin distillé et là c'est du bio, c'est du naturel. Et aujourd'hui avec la perte, ou la raréfaction des carburants fossiles, beaucoup d'acteurs priorisent le "bio" pour produire du carburant. Savez-vous que le maïs peut donner du carburant ? Pendant des dizaines d'années déjà dans notre pays, les gens utilisaient du manioc fermenté et distillé pour parvenir à produire du biocarburant. De même, le jatropha, un petit arbuste réputé pour faire la clôture des maisons dans plusieurs régions de notre pays ; ses fruits sont également utilisés pour produire le diesel qu’on peut exploiter pour faire tourner des moteurs, des groupes électrogènes, etc. Voilà ce que j’appelle "biocarburant". C’est la même chose aussi avec la jacinthe d'eau qui est une plante flottante dont l’alcool qui en est issu est utilisé pour faire du carburant. C’est ce carburant qu’on appelle "biocarburant à base de jacinthe d’eau". Un produit qui s’emploie dans un réchaud adapté en vue de la cuisson des aliments.

-       En quoi ce produit bio est-il avantageux ?

Ce biocarburant fait à partir de la jacinthe d'eau a beaucoup d’avantages. Il protège l'environnement. Au fait, il est un gel qui ne dégage aucune fumée quand elle est allumée : et donc ne pollue guère l’environnement. C'est une lumière bleutée propre qui est utilisée pour faire la cuisson. Une lumière assez percutante pour la cuisson des aliments. Il n’est à la source d’aucunes maladies comparativement au charbon de bois dont la fumée peut engendrer plusieurs maladies notamment respiratoire. L'autre avantage c'est qu'on peut l’utiliser partout même sur la table à manger ou même dans son bureau sans courir aucun danger. Cela voudra dire qu'il n'y pas de condition particulière à remplir avant d'allumer le réchaud à bio gel. Même dans votre bureau, vous pouvez l'allumer pour faire par exemple du thé ou du café. Vous pouvez l'allumer sur la table à manger pour pouvoir chauffer quelque chose rapidement et utiliser. Tout le monde peut l'utiliser. Il facilite la cuisine aux femmes. Ce n'est pas un produit qui nécessite de prise précautions particulières comme le gaz. Mon équipe et moi avons toujours du gel dans notre voiture surtout lorsque nous voyageons afin de pouvoir chauffer ou réchauffer de la nourriture ou même faire du thé. Avec ça, il y a très peu de risques d'explosion. Si nos femmes, nos mères l’intègrent dans leur quotidien, je crois qu'on aurait lutté indirectement contre plusieurs maladies dues à la cuisine avec du charbon de feu ou avec du bois de feu. Aussi est-il qu’avec le réchaud à bio gel, quand il n'y a pas du vent qui perturbe le feu, vous avez sept minutes pour faire bouillir 1L d'eau alors qu’avec le réchaud à pétrole, il faut attendre pendant quinze bonnes minutes avant qu’elle ne soit bouillie, sans oublier même les affres liées à la fumée. Vous voyez là que c'est aussi un produit très économique. Ailleurs au Nigeria, le bio gel remplace déjà le pétrole ou même le gaz. Ça veut dire que dans les maisons, on peut l’utiliser. Un produit bien sécurisé qui ne crée pas d'accident particulier. Quand vous ne voulez pas l'utiliser, vous fermez simplement et quand vous en avez une fois encore besoin, vous le rallumez et continuez à l'utiliser normalement. Et l'expérience sur le terrain a prouvé tous ces avantages. Un produit qui normalement si on produit localement sera encore très abordable.

-       Comment transformer la jacinthe d’eau en biocarburant et quelles en sont les étapes de production ?

La première étape c'est de voir comment ce qui est déjà produit est accepté chez nous, la deuxième étape, quand les gens commencent par l'accepter, il faut faire une évaluation et rendre l'acceptabilité évidente qu’il faut montrer à travers des études et documents, la faisabilité sur la disponibilité des matières premières (la jacinthe d'eau). Donc les études permettront en effet, d'identifier les équipements adéquats pour la transformation parce que des gens se sont inscrits dans la dynamique de produire le gel à petit ou à grand échelle comme une distillerie mais ça n'a point marché parce qu'il faut nécessairement évaluer ce qui existe, voir l'opportunité de mettre en place une usine et voir à quelle échelle on peut porter cette usine.

Aujourd'hui nous parlons de la jacinthe d'eau utilisée pour faire du biocarburant mais avant ça la jacinthe d'eau était utilisée pour faire des objets d'art, elle est utilisée aujourd’hui pour faire du compost dans certains villages, elle est également utilisée pour faire du biogaz. Ça veut dire que la jacinthe a commencé par avoir de l'intérêt. Or si on ne fait pas une étude sérieuse pour voir où se trouve cette jacinthe, pendant combien de temps on peut l'utiliser, nous allons faire des éléphants blancs. Or, notre idée ce n'est pas du tout de faire des éléphants blancs.

En effet, nous sommes encore à la phase de l'acceptabilité du produit ici au Bénin. Parce qu'il faut des fonds, des budgets pour pouvoir acquérir une bonne quantité du produit auprès de notre partenaire (le Nigéria) en vue de sa promotion. L'introduire sur le marché béninois, au niveau de la population, et évaluer l'acceptabilité du produit. Et je l'ai dit au départ, la demande augmente progressivement mais cette demande augmente sur la base de ce que nous amenons de l'entreprise sociale du Nigéria puisqu'il y a des personnes qui ont acquis le réchaud plus le gel à titre expérimental et l'utilisent ; mais dans ce cas, il faudrait qu'il y ait des fonds pour rendre disponible le gel sur place. Avec le peu que nous amenons déjà, la demande est forte mais comme nous n'avons pas encore les moyens pour en amener suffisamment, ça pose problème.

-       Avant d’aborder les problèmes, veuillez rappeler à nos lecteurs le mode d'emploi du réchaud et du biocarburant à base de jacinthe d’eau ?

Pour l’utiliser, on met un peu de gel à base de jacinthe d'eau dans le réchaud puis on allume le feu. Pour l'éteindre, il suffit de couper l'oxygène.

-       A combien peut-on s’en procurer ?

Pour le moment, le réchaud coûte 15.000 FCFA pour le foyer unique et 30.000 FCFA pour le double foyer. Le gel coûte environ 1.000 FCFA le litre ; mais si nous avons des subventions, ça peut être à la disposition de tous à moindre coût.

-       Cette technique est-elle aussi expérimentée dans d’autres pays de la sous-région en dehors du Bénin et du Nigéria ?

Cette technique est très développée dans les pays de l'Afrique du Sud surtout au Brésil. En Afrique, c'est seulement au Nigeria pour le moment. Le Nigéria qui a une usine installée par une entreprise sociale (une entreprise spécialisée dans la lutte contre les changements climatiques qui propose des produits pour accompagner les actions de promotion des énergies renouvelables telles le solaire, les biogaz, le biocarburant, les réchauds utilisés pour lutter contre le changement climatique et bien d'autres) qui utilise la jacinthe d'eau pour produire un bio étalon qui est utilisé pour la cuisson. D’où notre objectif d'implanter aussi une telle entreprise au Bénin et c'est sur ça que nous travaillons.

-       En dehors des problèmes déjà énumérés, quelles sont les autres difficultés majeures que vous rencontrez ?

Nous avons essentiellement deux difficultés présentement. La première c'est comment réussir à faire consommer le produit aux Béninois. Et pour faire consommer le produit il faut avoir la disponibilité du produit et pour y arriver c'est qu'il faut avoir du financement. Pour la petite expérience, tout ce que nous avons amené sur notre marché lors des expositions, les consommateurs ont trouvé que c'est un produit novateur. Si nous introduisons le produit, la seconde difficulté est d'avoir les moyens pour faire l'étude de faisabilité qui va consister à travailler avec les experts pour pouvoir produire des documents qui montrent si le projet est rentable ou pas. Et déjà, je vous souffle que c'est une réponse propre et directe pour lutter contre les changements climatiques.

-       Quelles sont les stratégies mises en place pour alors vulgariser ce type de biocarburant sur toute l’étendue du territoire national notamment dans les milieux ruraux ?

Pour ce que nous faisons pour le moment avec nos moyens très limité c'est d'amener de temps en temps ce produit du Nigéria pour le Bénin et lors des manifestations écologiques, des foires organisées pour la promotion des produits locaux, nous les exposons. Au niveau des communautés rurales, pour le moment c'est encore très difficile parce qu'il faut d'abord avoir la quantité de produits en stock pour dire qu'on veut faire une large publicité. Maintenant, grâce aux différentes foires, par exemple la foire du 1er Août, ou les foires organisées par les ONG, ou les entreprises qui concernent la consommation des produits locaux, nous saisissons ces opportunités pour faire la promotion du produit et laissez-moi vous dire que pendant ces occasions nous avons trouvé des hommes de la sous-région (venus de la Côte d'Ivoire, du Burkina, du Niger, du Mali et même si Tchad) qui s’y sont intéressés et veulent être en partenariat avec nous pour exporter. Ils cherchent même à l’expérimenter au niveau local. Parce que nous parlons de changement climatique et nous parlons des actions concrètes qui contribuent à lutter contre le phénomène et je crois que ce bio gel est bienvenu.

-        Votre mot de fin.

J'invite tout un chacun à réfléchir avec nous pour aller plus loin dans la promotion du bio gel à partir de la jacinthe d'eau. Ceci sera une opportunité indéniable pour lutter contre les changements climatiques dans notre pays.

Propos recueillis et transcris par Yélian Martine AWELE

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Je suis Martine Yélian AWELE. Je suis Journaliste, rédactrice-correctrice.
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