Selon le rapport de la revue des données et de la documentation sur l’étude de faisabilité du développement du secteur des biodigesteurs au Bénin, réalisée par la GiZ dans le cadre du programme Energising Development (EnDev), l’hydroélectricité, l’énergie solaire et la biomasse constituent les principaux potentiels d’énergies renouvelables et occupent une place de choix dans la Politique Nationale de Développement des Energies Renouvelables (PONADER) élaborée en 2020. Si dans ce document, l’énergie bois constitue actuellement la part quasi exclusive dans l’énergie biomasse, la biodigestion quant à elle, n’est considérée que de façon marginale. « La part des investissements qui y est identifiée pour la biodigestion ne représente que 0,3% du montant total nécessaire estimé de 1.087 milliards de FCFA… », renseigne ce même document.
Selon les résultats de l’étude de faisabilité réalisée par l’Agence Béninoise d’Electrification Rurale et de Maitrise d’Energie (ABERME), le secteur des biodigesteurs est à un état de développement pré-commercial. Il se caractérise entre autres par une étroitesse du réseau de partenaires de mise en œuvre, une insuffisance des actions de communication et de sensibilisation sur les bénéfices liés à la technologie des biodigesteurs, l’absence d’une plateforme de collecte de données et cadre de mesure des impacts de la technologie des biodigesteurs et l’absence d’un cadre réglementaire pour la construction et l’exploitation des biodigesteurs. Autant dire que la filière biodigesteur n’est pas assez développée pour mériter l’attention du pouvoir central. Mais du côté des Organisations Non Gouvernementales (ONG), des efforts sont consentis pour le développement et la promotion de cette technologie dans le cadre de la mise en œuvre de plusieurs projets. De 2010 à 2022, 298 biodigesteurs ont été construits dans les localités de Banikoara, Bassila, Gogounou, Karimama, Malanville, Ségbana, Tanguiéta, Kérou, Kandi, Matéri, Nikki, N’Dali, Savalou, Missérété, Comé, Allada, Calavi, Toffo, Zè et Tchaourou. Par ailleurs, les premières expériences pilote de promotion des biodigesteurs mises en œuvre par l’Agence Béninoise d’Electrification Rurale et de Maîtrise d’Energie (ABERME) ont démarré en 2012. Ainsi, 215 biodigesteurs de type domestique ont été réalisés de 2010 à 2021, renseigne l’étude de faisabilité pour le développement du secteur des biodigesteurs réalisée par l’ABERME. Pendant ce temps, la technologie est en pleine expansion dans certains pays de la sous-région tels que le Burkina-Faso, le Sénégal où plusieurs milliers de biodigesteurs ont été construits au grand bonheur des populations.
Avantages des biodigesteurs et potentialités du Bénin dans ce sous-secteur des énergies renouvelables
Comme l’hydroélectricité, l’énergie solaire et la biomasse (principaux potentiels d’énergies renouvelables), les biodigesteurs présentent également de nombreux avantages. D’abord, le biodogesteur est une solution qui permet de produire un combustible alternatif au charbon de bois ou au bois-énergie. Ensuite, en dehors de sa fonction écologique, « la technologie de biodigesteur permet de valoriser les effluents en compost pour améliorer le rendement agricole. Cela peut être également transformé en aliment pour le bétail et en pesticide bio dans l’exploitation agricole… », a fait savoir Yaovi Olivier ADJAHOUNZO, le directeur de la maîtrise d’énergie et des biodigesteurs à l’Agence Béninoise d’Electrification Rurale et de Maîtrise d’Energie (ABERME). « Côté hygiène, ce dispositif permet de réduire la quantité de déchets plastiques à traiter. Avec le biogaz, les femmes ne seront plus amenées à aller faire la collecte de bois… », a-t-il ajouté.
Sans aucun doute, le Bénin a les potentiels nécessaires pour développer et promouvoir cette technologie aux multiples avantages. Les structures génératrices de matières organiques présentes au Bénin en sont une preuve irréfutable. Au nombre de ces structures, figurent en bonne place les institutions de production d’intrants, les formations sanitaires, les établissements pénitentiaires, les casernes militaires et les établissements d’enseignement avec des cantines (écoles primaires, universités), etc. Selon le rapport de la revue des données et de la documentation sur l’étude de faisabilité du développement du secteur des biodigesteurs au Bénin, ces structures « représentent un potentiel à considérer compte tenu du gisement de déchets liquides voire solides qui peuvent être utilisés pour produire du biogaz par biodigestion ainsi que les besoins énergétiques pour la cuisson de ces cantines ». Mieux, il y a environ 5000 écoles primaires à cantines et donc potentiellement autant de biodigesteurs à mettre en place. A ces éléments, s’ajoutent les déchets urbains exploités par la Société de Gestion des Déchets et de la Salubrité dans le Grand Nokoué (SGDS-GN), les restaurants et les unités de transformation agro-pastorale et industrielle (volailles, bovins, porcins, abattoirs). Un autre potentiel dont dispose le Bénin en la matière est la disponibilité d’une ressource humaine de qualité. « …C’est nous qui avons formé les cadres du Burkina-Faso qui aujourd’hui, est en avance sur nous sur la technologie de biodigesteur… », reconnait fièrement Idelphonse ZOUNMATOUN, le Vice-Président de l’Association Interprofessionnelle des Spécialistes des Energies Renouvelables (AISER).
L’accès au financement, principal frein au développement de la filière biodigesteur
Le Bénin présente les atouts et potentiels nécessaires pour la promotion de la technologie de biodigesteur mais plusieurs difficultés empêchent le développement du secteur en dépit de la volonté manifeste des acteurs. Ces difficultés sont d’ordre financier, technique et social. « Un accès au financement quasi inexistant, que ce soit au niveau de l’offre ou de la demande, des informations sur le marché des biodigesteurs qui sont encore insuffisantes, l’absence à l’heure actuelle d’une stratégie nationale de développement du secteur. L’offre est caractérisée par une base limitée de professionnels et d’entreprises, qui a été constituée avec divers projets depuis une dizaine d’années financés par des donateurs, mais qui n’est pas parvenue à se développer au-delà de la phase I pionnière », peut-on lire dans le rapport de la revue des données et de la documentation sur l’étude de faisabilité du développement du secteur des biodigesteurs au Bénin. « La méthanisation a fait l’objet de plusieurs projets pilotes mais aucun n’a réellement abouti et permis une réelle production d’électricité. La maîtrise de la technique et les problèmes de sécurité liés à cette ‘’technologie très artisanale’’ sont des obstacles majeurs. », renseigne le même document. Pour Yaovi Olivier ADJAHOUNZO, le directeur de la maîtrise d’énergie et des biodigesteurs à l’ABERME, le grand facteur qui empêche le développement du secteur reste et demeure l’accès au financement. « La grande partie de la cible est en milieu rural qui malheureusement a des revenus faibles, irréguliers et saisonniers », a-t-il expliqué. Mais à en croire Idelphonse ZOUNMATOUN, le vice-président de l’AISER, le non développement du secteur des biodigesteurs s’explique par le manque d’engouement des parties prenantes. « Il y a plusieurs années que les gens sont venus se faire former chez nous. Ils sont aujourd’hui de grands producteurs jusqu’à injecter sur le réseau conventionnel ; pourquoi pas nous ?», regrette-t-il. Aussi, les pesanteurs socio-culturels constituent-ils un frein au développement du secteur.
Des approches pour dynamiser le secteur des biodigesteurs…
Pour lever les barrières et obstacles au développement et à la promotion de la filière biodigesteur, il urge de faciliter l’accès au financement aux opérateurs privés formels très engagés dans le domaine. Ceci passera sans doute par l’élaboration d’une stratégie nationale en lien avec le Plan Stratégique 2024-2028 de l’Alliance pour le Biodigesteur en Afrique de l’Ouest et du Centre (ABAOC) en cours d’élaboration. La collecte des données est même déjà actée dans les Etats-membres et l’étape du Bénin a eu lieu à Cotonou le mardi 12 septembre 2023 à la faveur d’une séance de travail. Ce fut l’occasion choisie par les parties prenantes (institutions bancaires et de microfinance, opérateurs privés, associations et structures étatiques) pour poser le diagnostic et proposer des approches et pistes susceptibles de booster le secteur. Pour un secteur des biodigesteurs dynamique, concluant et créateur de richesse, « Il faut renforcer le cadre institutionnel, juridique et organisationnel de la filière, développer le secteur marchand, inciter le secteur bancaire et les institutions de microfinance à accompagner les acteurs à divers niveaux et capitaliser les expériences des meilleures pratiques entre les Etats membres de l’ABAOC », suggère Amidou YONABA, expert en stratégie et développement organisationnel et membre du Cabinet YONS Associates. Pour le directeur de la maîtrise d’énergie et des biodigesteurs qui partage les idées de l’expert, il faut « réorganiser le secteur des biodigesteurs, se positionner sur les fonds verts, organiser les formations spécifiques sur la technologie, inciter les collectivités locales à prendre en compte la promotion de la technologie dans leurs Plans de Développement Communal (PDC) en cours d’actualisation ». Ce sont donc autant de défis que doit relever l’ABERME pour repositionner la filière dans le secteur des énergies renouvelables. « Les actions concrètes pour développer le secteur, c’est de passer à la phase pilote pour convaincre davantage la population sur la faisabilité et l’utilité du système biodigesteur. Ce n’est qu’à partir de là qu’on peut vulgariser la technologie et ça va décoller », propose le vice-président de l’AISER. En attendant la prise en compte de ces actions dans la stratégie nationale de développement des biodigesteurs, l’ABERME nourrit l’ambition de construire 100 biodigesteurs dont 10 dans les lycées agricoles, 2 dans les abattoirs et 3 à usage productif avec la formation de 50 maçons.
La technologie de biodigesteur est donc une mine d’or à valoriser dans le secteur des énergies renouvelables. Pour y arriver, il faut une action concertée des parties prenantes et une volonté manifeste du pouvoir central qui sera traduite par la mise en place d’un mécanisme qui puisse booster le secteur.
Hyacinthe TOGBEHOUNDE